Nous avons nommé « Dégradés » une étude qui quantifie le mélange de certaines couleurs avec du blanc.
Dernièrement, notre fabricant a recherché une nouvelle formulation de sa recette de base pour en améliorer la qualité,
et notamment sa résistance aux griffures qui était un point faible de notre peinture, corollaire de son extrême matité.
Ceci a un impact sur les mélanges pour obtenir les « dégradés »,
du moins tant que la totalité de la gamme n’est pas réalisée dans la nouvelle formule.
Donc, nous continuons à vendre les pages de « dégradés » mais seulement à titre indicatif, car elles ne donnent plus des références assez précises.
Elles permettent néanmoins toujours de s’en inspirer, mais il est prudent de faire des essais.
L’ELOGE DU SOMBRE :
Parler de la couleur c’est parler de la lumière, et parler de la lumière c’est parler de l’ombre.
Nous vivons dans un monde qui trop souvent me fatigue et me heurte parce qu’il est saturé de lumière et de bruit. Aucun espace n’est accordé au silence, ni à l’ombre … et tout semble fait pour nous empêcher de penser, de rêver : nous pourchassons l’obscur jusque dans les moindres recoins de nos demeures comme une menace. Or, si l’obscurité peut faire peur car elle nous plonge totalement dans l’inconnu, l’ombre, par contre, est ce qui rend le connu, voire le trop connu, deviné presque jusqu’à la limite de l’absence, plus mystérieux, plus désiré. Un halo de lumière douce et son cortège d’ombre apporte sérénité et poésie, fait apparaître l’éclat délicat d’un miroir ou d’une touche or qui seraient écrasés par une trop forte lumière. L’ombre fait disparaître les frontières de l’espace qui nous enferme.
La découverte de l’Éloge de l’ombre (Junichirô Tanizaki, 1933), dans les années 1980, fut pour moi un énorme soulagement. Je pouvais mettre des mots sur la valeur de l’ombre. Car elle est la grande absente de notre formation esthétique, ou plutôt elle est absente en tant que telle. Le tracé des ombres nous est certes enseigné, mais seulement comme le faire-valoir du volume. Exactement de la même manière que, dans nos cultures, nous percevons seulement le plein et occultons complètement le vide. L’horreur du vide est l’expression d’une peur existentielle qui se manifeste dans beaucoup d’intérieurs, et qui a certes connu son apogée en d’autres temps, mais qui est toujours bien présente (renforcée même par la consommation effrénée). Nous pouvons ranger dans le même cabinet de curiosités l’ombre, le vide et le silence.
Le refus des couleurs sombres est un corollaire de cette peur. Que de tristes couleurs claires imaginent éclairer une pièce sans lumière ! Que de grands espaces lumineux manquent de coins ombreux où trouver refuge ! Une lumière qui révèlerait tout laisse bien peu d’espace à l’imaginaire. Et que serait le bonheur du jour s’il n’était chaque fois confronté à la nuit. Il y a comme une injonction au bonheur dans nos intérieurs contemporains qui révèle surtout les craintes et les blessures de l’époque.
Extrait de « L’éloge du sombre» fascicule 4 du livre
“By Agnès Emery Par Agnès Emery”