Dans les années 1990, j’étais enseignante en école d’architecture et, parallèlement, j’ai réalisé dans la solitude, mais aussi du coup dans la plus grande liberté, une série de grands tableaux au pastel et à la gouache. C’était la concrétisation sur papier du style d’architecture que j’aurais voulu faire si j’avais cherché … et trouvé des clients. Je n’ai jamais non plus cherché à présenter ces tableaux dans le cadre du marché de l’art par rejet personnel de ce milieu, mais surtout parce que je n’ai jamais aimé un tableau enfermé dans un cadre et accroché sur un mur (sauf dans les musées). A la suite des idées de William Morris, j’ai toujours considéré que l’art doit être appliqué, donc intégré dans tous les gestes de la vie quotidienne. C’est la raison pour laquelle j’ai fait des études d’architecture et non de peinture. Il est donc parfaitement cohérent que je me sois lancée dans l’édition de carreaux, de peintures pour les murs, de mobilier, … avec comme corollaire des magasins pour les vendre. Une occupation tellement dévorante que mes grands tableaux d’architecture ont été vite oubliés au fond de l’atelier, enfouis un peu comme un secret de famille.
Or, dans ma famille élective, quelques personnes connaissaient ce secret. Et, entre-temps, un jeune homme ébloui par les panoramiques du musée Zuber de Rixheim a décidé de monter une maison d’édition de papier peint en impression digitale, avec une haute exigence de qualité au niveau de la technique. Car, dans l’univers de l’impression digitale, on trouve de tout évidemment, depuis la photocopieuse de bureau jusqu’aux œuvres achetées par les collectionneurs et les musées. Certes, je n’ai pas créé des galeries d’art à Bruxelles, Paris et Londres mais de modestes showrooms où je veux vendre ces éditions de mes tableaux, comme un complément logique de mon univers. Ceci d’autant plus que la découverte de la technique de l’impression digitale exigeante m’a fait comprendre les incroyables possibilités offertes par la magie du moindre détail, de la moindre craquelure dans la peinture de l’original, agrandis à l’infini ou presque. On peut ne sélectionner qu’une partie et l’adapter aussi bien à un meuble qu’à un panoramique sur un mur entier ! Les interprétations sur mesure sont sans limites et chacune d’elle est une réinvention unique de l’œuvre initiale …
Agnès Emery
Le 5 Juin 2018