DES PIERRES DURES :
Les pierres dures sont des pierres semi-précieuses savamment incrustées dans le marbre. On les trouve en Italie dans la Florence triomphante de la Renaissance, et aussi en Inde et en particulier dans les palais et mausolées moghols. Pas un roi, ou un puissant, qui n’en possède depuis comme un signe reconnu du pouvoir, et plus précisément du pouvoir de l’argent. En fuyant les manifestations pour touristes de ces « signes extérieurs de richesse » qui prennent les formes les plus dérisoires de petites boîtes, sous-verres… et autre souvenir du Taj Mahal, j’éprouvais toujours une vague tristesse à voir tant d’habileté et de savoir s’exprimer de manière si décadente. Et comme au détour de quelques visites de monuments j’appréciais la paradoxale fraîcheur des thèmes choisis, fleurs dont souvent la délicate rigueur botanique dévoilait une vraie complicité avec la nature, oiseaux pleins de verve, reliefs auxquels l’usure du temps restituait soudain un aspect de paysage naturel… tout cela me menait de plus en plus loin d’un usage ostentatoire. Je m’y suis donc finalement essayée moi aussi et j’ai choisi des motifs simples pour en faire des cabochons précieux. Il faudrait peut-être dire des cabochons semi-précieux pour être juste. En fait, je ne me suis vraiment mise à les aimer que le jour où je les ai mélangés presque par accident aux revêches « zelliges ».
Le caractère brut, rustique, imparfait de ceux-ci, a mis soudain étrangement en scène et en valeur ces petits bijoux « trop polis pour être honnêtes ». Il y a là, dans ce couple improbable, un effet saisissant d’équilibre des contraires. Alors voici des fleurs d’agathe, d’améthyste et de lapis-lazuli, des oiseaux de malachite… à semer judicieusement dans son intérieur. A chacun son interprétation d’une technique, moi j’ai lu ce que je voulais bien lire de la longue histoire que la pierre dure m’offrait pour pouvoir en ajouter sans fausse note à mon jardin.