De la couleur avant toute chose, …
… et une collection de peinture ultra mate comme une évidence,
… même s’il y eut d’abord les zelliges marocains en terre cuite émaillée …
… dont nous célébrons depuis sans relâche et sans lassitude les glorieuses imperfections et les mille nuances de couleurs, …
… et dont nous avons immédiatement opposé, à la joyeuse brillance, la douceur satinée des carreaux en ciment. …
… Et puis le fer forgé, …
… est venu compléter ces savoirs artisanaux et culturels en perdition, …
… que nous avons également choisi de pratiquer dans nos propres ateliers avec les impressions sur papier …
… ou sur tissus, et …
… avec la peinture sur céramique.
Dans un équilibre précaire entre baroque et sobriété qui rend son style si singulier et intemporel.
LE PRIX DES CHOSES :
Finalement, j’ai bien été obligée de comprendre que mes choix avaient un prix. Car avoir choisi de vendre et de défendre un mode de production en voie de disparition partout coûte très cher, surtout quand aucune nostalgie ne vient « valoriser » la démarche comme dans le cas des objets vendus par les antiquaires. Quand je suis devant les derniers artisans, souvent dans des pays peu développés mais pas uniquement, il est vrai que je souhaite qu’ils soient payés correctement. Et, d’ailleurs, il leur faudra autant de patience que moi, et de longues et coûteuses mises au point pour comprendre où je veux en venir. Pour autant, l’histoire ne fait que commencer, car il faudra encore emballer, transporter, vérifier, entreposer, présenter dans des magasins, expliquer, documenter… et tout cela coûte très cher, surtout qu’il s’agit toujours de petites quantités et d’une démarche d’exclusivité. Or, comme toute alternative entre la production industrialisée et le marché de l’art a presque totalement disparu, les références manquent pour faire une comparaison pertinente. On a tendance à considérer que nos produits ne valent pas le prix d’une œuvre d’Art, puisqu’ils sont réalisés par de simples artisans, anonymes par définition, et qu’il n’y a donc aucune plus-value apportée par la signature d’un « grand nom ». Alors, on les compare aux produits industrialisés, par rapport auxquels ils sont forcément chers. Il est ingrat de rappeler les lois de l’économie à chaque client potentiel, aussi nos produits sont obligés de se défendre seuls, par leur différence avec la plupart des objets sur le marché. Certaines personnes perçoivent cette différence et même si elles ne peuvent pas toujours en expliquer la raison, elles sont prêtes à payer un peu plus cher pour vivre en compagnie de ces objets singuliers.
Texte écrit en 2013 pour le site Internet
Extrait de « Le prix des choses» fascicule 6 du livre
“By Agnès Emery Par Agnès Emery”